vendredi 13 mars 2009

Article Lyon Libération

12/03/2009

Sans-papiers : des enfants cachés sortent de l'ombre

IMMIGRATION - Vincent Lindon était invité. Il serait bien venu, mais il n'a pas pu. Trop occupé par la promo de Welcome. A l'heure de la sortie du film de Philippe Lioret, consacré au sort des clandestins de Calais, le Réseau Education Sans Frontières (RESF) de Lyon attirait l'attention, hier, sur la "situation insupportable" de plusieurs familles de sans-papiers cachées dans l'agglomération lyonnaise. Dans la salle du conseil municipal de Décines, deux de ces familles étaient là, entourées de ceux qui, depuis des semaines, se mobilisent et les abritent pour éviter leurs expulsions...

"Injustice". Au premier rang, la famille Nekaa écoute silencieusement les militants de RESF, les élus de gauche et les artistes (le comédien Franck Pitiot et l'écrivain Pierre Péju), qui dénoncent une "politique de l'immigration inhumaine et indigne." Depuis le 22 janvier, Mokhtar Nekaa, sa femme et leurs quatre enfants, âgés de 6 à 18 ans, ne se voient plus beaucoup. Ils vivent séparés, cachés, ballotés d'une famille à l'autre, pour éviter une arrestation collective. Arrivés d'Algérie en 2004, les Nekaa sont expulsables depuis le mois d'août dernier. Le titre de séjour accordé pour raisons de santé à Mokhtar, après un accident cardiaque, n'a pas été renouvelé et les demandes d'asile, rejetées. Pourtant Mokhtar se dit menacé dans son pays. Hadger, l'une de ses filles, 15 ans, raconte calmement sa peur de vivre cachée "toute la vie". Elle désigne Aya, sa soeur cadette, 6 ans, qui ne va plus à l'école accompagnée par sa maman. Trop risqué. "C'est normal ça ? C'est pas une injustice, ça ?", demande-t-elle.

Une cinquantaine de personnes ont formé un comité de soutien. Ils sont enseignants, parents d'élèves des écoles où sont scolarisés les enfants Nekaa, ou élus. Vincent Dupuy fait partie de cette "chaîne humaine" protectrice. En aidant ces famille, explique-t-il, il "refuse simplement de renier [s]a condition d'humain." La loi dit qu'il risque cinq ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Relâchée de justesse. A quelques mètres des Nekaa, Rosani couve son petit Samir du regard. Elle est Sri lankaise, Cingalaise originaire d'une région tamoule. Elle se dit, elle aussi, persécutée là-bas. Elle a fui son pays avec son fils de 6 ans. Une première fois en 2004, elle croit arriver en France, elle est en Grèce. Retour au Sri Lanka. Elle reprend le chemin de l'exil une deuxième fois, l'an dernier. Après quarante-cinq jours de bateau, elle atteint enfin la France, où elle pense trouver des médecins pour soigner son fils, atteint de troubles cérébraux. Elle a perdu ses papiers au cours du voyage. Après quelques mois, elle est placée au centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry. Elle est finalement relâchée de justesse, grâce à l'intervention de son avocate, qui pointe l'absence d'interprète dans la procédure administrative.

Terrés dans leur clandestinité, Mokhtar et Rosani espèrent aujourd'hui une régularisation, qui ne vient pas. Hier, deux pères, l'un Bosniaque, l'autre Géorgien, n'étaient pas là pour témoigner. Retenus au centre de Lyon Saint-Exupéry, ils peuvent être embarqués dans un avion à tout moment, en laissant leurs familles derrière eux. Commentaire d'une militante de RESF : "Non seulement Eric Besson (ministre de l'Immigration) mérite le titre de ministre de la rafle et du drapeau, comme son prédécesseur, mais aussi le titre de ministre de la casse des familles."

Alexis de LA FONTAINE


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